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King Tubby's Special: Sound bwoy, U dead!


Nous avons mis la main sur une dub plate d'époque gravée et enregistrée au studio de King Tubby, à Waterhouse, dans les années 80. Dissection d'une création artistique unique au monde

L’objet lui-même a quelque chose de fascinant. De par son logo, pour commencer, qui le rattache à l’une des plus incroyables épopées de la musique jamaïcaine, celle de King Tubby. Special : King Tubby’s, lit-on sur ce macaron atypique. Car il ne s’agit pas d’un disque normal, mais bien d’une dub plate, cette invention unique de la scène locale. Elle date des années 80, où le terme « special » apparaît pour différencier ces titres nominatifs des simples « dubs » ou « dub plates » de la décennie passée (voir livre). Elle fait la taille d’un 78 Tours et propose deux titres par face. L’objet lui-même pèse curieusement au creux de la main. Une dub plate est un fin disque de métal recouvert d’une couche de vinyle, ce qui lui confère une certaine densité. Celle-ci sort du studio légendaire de King Tubby, comme le précise l’adresse mal orthographiée du macaron : « 18 Drumilie (sic) Avenue, Kingston 11 / (P) (C) Dub Plate Music. » Elle a donc été gravée par un assistant de Tubby (Peego ? Fatman ?) sur la fameuse « dub machine » des années 40, la Presto 6N. L’exercice est une petite prouesse technique et artistique.

On a écrit, au feutre noir, « Nuff Nicenes Positive » sur le macaron de la première face. Positive est, en fait, le nom du sound system qui a commandé cette dub plate au studio de Tubby. Dès l’intro délirante, on donne le ton en flattant le commanditaire tout en dénigrant ses concurrents : « Well, sound bowy ah tell you fe come trouble Positive Vibe ? You nah know say Positive Vibe ah ruff ? » Le riddim digital démarre alors, et le chanteur commence : « Nuff niceness in the dance tonight, Ah Positive makes you feel right... » Le son est de mauvaise qualité, on entend un souffle sur toute la dub plate, probablement du à l’usure naturelle. Car ces disques, gravés en exemplaire unique, n’étaient pas conçus pour durer (c’était, au départ, un moyen pour les gros studios de tester leurs stampers avant de presser des disques en grande quantité). Le Jamaïcains ont détourné les codes de l’industrie pour exprimer leur créativité, et leur désir de s’imposer musicalement. Car on ne fait ici que vanter les mérites de celui qui paye le plus cher.

Au bout de quelques minutes (généralement 2 ou 3), la dub plate s’arrête puis le riddim (rythmique) nu démarre. Cette « version » enregistrée à la suite est généralement un mix exclusif qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Elle permet aux deejays du sound system commanditaire (ici Positive Vibe) de se poser « live and direct » devant le public. La Face B (ou l’autre face car elles ne sont pas marquées) est encore plus délirante. L’intro, plus soignée, propose des petits ricanements diaboliques sur fond de rodomontades antillaises : Now,he he he, sound boy, you dead ! L’introman (Fuzzy Jones ?) appelle ensuite l’artiste, Robbie Roberts, qui s’inspire du tube Rambo We Rambo de Super Black (Jammys, 1986) le temps d’un titre enjoué et entraînant, néanmoins entrecoupé d’un « pull up » (on arrête la chanson et l’introman reprend tout depuis le début) du meilleur effet : Come again, bumboclaat ! No Good, lit-on sur le macaron. Etait-ce une repère de soundman ? On trouve sur cette face le même souffle important.

Cette galette bien dense, bien sombre, nous plonge au coeur d’une époque révolue et d’un studio mythique désormais disparu, et nous rappelle que l’épopée de Tubby, donc du DUB, est avant tout celle des sound systems.

Plus de détails dans notre livre

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