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T. Ehrengardt (DREAD Editions)

Real or fake Tubby ?


Rare photo inédite de Tubby devant la MCI (Oct. 1973). (c) A. Ruddock / DREAD Archives

Le nom de King Tubby, à la fois vendeur (il est l’inventeur du Dub et demeure l’ingénieur le plus iconique du reggae) et peu protégé, est utilisé à tout-va par des producteurs peu scrupuleux ou peu regardants de la vérité historique pour vendre des mix auxquels il n’a jamais pris part. Depuis quelques années, l'ingénieur Scientist (ancien assistant de Tubby) a mis les pieds dans le plat, dénonçant les « fake Tubby’s mix » (les faux mix de Tubby) et autres petits accords entre décideurs musicaux. Et la liste des « faux » s’allonge de jour en jour. Dans ce climat de suspicion, une question taraude les amateurs lorsqu’on leur présente un « nouveau dub de Tubby » : comment identifier un véritable Dub de King Tubby ?

1. Les dates : il faut savoir que King Tubby délègue rapidement le travail de mix à son studio du 18 Dromilly Avenue, à Waterhouse. En fait, à peine deux ou trois ans après avoir inventé le genre, il semble s’en désintéresser. Dès 1975, les dubs signés par Tubby lui-même sont extrêmement rares. Ce sont ses assistants comme Phillip Smart, Pat Kelly, Jammy ou Scientist qui prennent la relève dans la seconde partie des 70s. Dès 1974, Phillip Smart signe son coup de maître avec le Dub du tube de J. Clarke, None Shall Escape The Judgement—apparemment, Tubby refuse de le mixer, voir le livre. « Á partir de là, dit-il, tout ce qui passait par la MCI, c’est moi qui m’en suis occupé, disait Smart. » On distingue donc les mix de Tubby et ceux du Tubby’s studio (qui sortent de son studio avec son son et ses effets, mais qui ne sont pas mixés par lui). En gros, après 74-75, on peut avoir des doutes légitimes sur tous les dubs sortis de chez Tubby !

2. La console MCI : c'est la console magique acquise par Tubby en 1972 et qui a une particularité : un « gros bouton rouge » (big knob), aussi appelé High Pass Filter (HPF). En éliminant les fréquences par couches, il crée un son unique (une sorte de « shhhhhhhhhh » continu). Le HPF, c’est l’identité sonore du studio de King Tubby. « Les gars nous disaient : mixe-moi ce titre et assure-toi qu’il y a ce son dessus ! » explique Smart (Veal). En fait, le HPF crée le fond sonore de la quasi totalité du son roots des années 70 : appliqué au « flying style » puis au « Rockers » puis au « early dance hall », il est incontournable et assez facile à identifier. Si l’on n’entend pas le HPF sur un mix on peut être sûr et certain qu’il ne sort pas du studio de King Tubby.

Dub de Tubby avec le HPF utilisé dès l'intro :

Dub de Channel One, sans le HPF

(mais avec le terrible double-drumming de Sly Dunbar)

Extrait vidéo moderne pour illustrer l’effet du HPF (remerciement à Mirhan The Upsetter) :

3. Le style Tubby : les premiers mix de Tubby, avant l’avènement du « flying cymbal style » en 1974 sont ses meilleurs. Plus purs, plus nets, ils mettent mieux en avant la structure du Dub. L’âme des titres est clairement extirpée de la masse sonore pour devenir l’élément central du Dub (voir l’album Tubbys Meets Rockers Uptown). « Pour mixer un dub, il faut comprendre la musique, la déchiffrer tout en anticipant les prochaines secondes, » explique Mikey Faith du sound system Emperor Faith. C’est là qu’il faut chercher la patte de Tubby sur nos Dubs : dans leur structure. Tubby mixait de manière « classiques », c'est-à-dire en respectant la construction musicale des morceaux, sans ineptie dans les ruptures et les dialogues. Ses dubs sont donc éternels. Sa vision musicale se fait lumineuse et d’une trompeuse simplicité. Pas d’effets surchargés comme chez Lee Perry, par exemple, plus de violence que chez Errol Thompson et plus de « vibes » que chez n’importe qui. Il reste difficile de distinguer un Dub signé Tubby d’un autre signé de son assistant Smart, par exemple. Sur l’album indispensable Prophesy of Dub (prods Yabby You), par exemple, Smart mixe quelques titres qui s’avèrent aussi magiques que ceux du maître. Cependant, les mix sortis des studios Channel One ou Randy’s ou Dynamic dans les années 70 sont généralement nettement moins réussis que ceux du Tubby’s studio—et totalement différents. Les ingénieurs pointus reconnaissent aussi les sonorités propres au matériel de chaque studio. L’effet de « delay », par exemple, ne sort pas de chez Tubby s’il n’est pas généré par un lecteur de K7 (tape delay) et le reverb Fischer (dans les 70s) ou AKG (le dernier signalé par l'ingénieur Fatman) de Tubby crée un son bien identifiable.

King Jammy derrière le console MCI : il utilise le HPF dès la première note !

D’autres ingénieurs ont fait d’excellents dubs. Mais ceux qui sortent de chez Tubby sont les seuls à porter le sceau royal (celui de Tubby ou de ses assistants) qui justifie leur portée à la fois artistique et historique—quand on achète de l'or massif, il est désagréable de se faire refourguer du plaqué.

Plus de détails dans notre ouvrage

King Tubby-the Dub Master (DREAD Editions)

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