Jamaican Street Artists: Portrait (5).
Marianna Farag, La French Touch de Fleet Street
C'est au 41 Fleet Street, dans le terrible ghetto de Southside, que vous pourrez admirer plus d'une vingtaine de fresques d'un street art inédit en Jamaïque. Moderne, dynamique, il se différencie du street art traditionnel par ses influences extérieures et son désir afficher de ne plus se contenter d'illustrer la vie des gens, mais de la commenter... voire de l'influencer. Cette nouvelle génération d'artistes regorge de talents et doit énormément à une Française, initiatrice du mouvement Paint Jamaica en 2014. Une super "Nana" nommée Marianna Farag.
Marianna Farag. Photo discrétion M. Farag.
Passionnée d'art et de cuisine "vegan", Marianna Farag ne se définit pas comme une artiste. Elle n'en a pas moins modernisé le street art jamaïcain par le biais du project Paint Jamaica (2014). Grâce à cette initiative, un vieux hangar désaffecté perdu au milieu d'une terrible "war zone" de Southside, à Kingston, est désormais devenu le plus grand espace consacré au street art en Jamaïque. Rencontre avec une "Nana" pas comme les autres. Entretien dans la langue de Molière, please!
Marianna, tu parles parfaitement français. Peux-tu nous rappeler ton parcours en quelques mots ?
Je suis Française d’origine Egyptienne / Syrienne, et je vis aujourd’hui à Kingston, en Jamaïque. Je me définis avant tout comme une « citoyenne du monde » .
Comment en es-tu venue au street art ?
J’ai toujours aimé la « street culture », le pouvoir qu’elle a d’influencer la culture d’un pays. Je ne suis pas artiste moi-même, mais je reconnais l’importance du street art et l’impact qu’il peut avoir dans certains quartiers.
Photo tirée du livre.
Pourquoi la Jamaïque ?
Honnêtement, ce fut un pur hasard. Je vivais aux États-Unis depuis quelques années et je ne m’y plaisais pas beaucoup. Je voulais voyager – mais je ne pouvais pas aller trop loin car je n’avais pas beaucoup de vacances. J’ai ciblé une destination à quatre heures de vol : les Caraïbes. Là, j’ai fermé les yeux et mon doigt est tombé sur la Jamaïque. Je m’y suis rendue sept fois avant de me décider à m’installer sur place.
"Il n’y a pas de véritable culture street art en Jamaïque."
Quelle différence y a-t-il entre le street art de Fleet Street et celui plus traditionnel des autres quartiers ?
Le street art en Jamaïque n’a rien à voir avec celui de grandes villes comme Paris ou Berlin. La plupart des fresques font la réclame pour un restaurant, un bar ; ou rendent hommage à des icônes culturelles comme Garvey, Marley, ou des habitants décédés de certains quartiers. Il n’y a pas de véritable culture « street art ». Mes amis artistes m’ont expliqué pourquoi : d’abord parce que les gens ne reconnaissent pas du tout cet art (mais cela commence a changer depuis 2014) ; ensuite par manque de matériel, car le choix de peintures, marqueurs et bombes, est très limité ici ; enfin, à cause d’un manque de sécuritéet de financement. Mais tout cela est en train de changer.
Photo tirée du livre.
Pourquoi Paint Jamaica et quelle a été la réaction des gens ?
A l’époque, des projets extraordinaires fleurissaient partout dans le monde, dans lesquels le street art épousait une cause sociale. Je pense au travail de JR, Favela Painting (Haas & Hahn), de Boa Mistura… Etant donné que j’organisais déjà des petits projets sociaux lors de mes voyages et que je rencontrais énormément de gens créatifs, je commençais à mieux comprendre les dynamiques de l’île en général et de Kingston en particulier. Finalement, en mai 2014, j’ai démissionné de mon boulot aux États-Unis et j’ai débarqué en Jamaïque avec un peu d’argent que j’avais obtenu grâce à un financement participatif (via un crowdfund) censé financer une seule fresque ! Mais tandis que cherchions un mur du côté de Parade Gardens, nous sommes tombés sur ce hangar désaffecté au 41 Fleet Street, et on s’est soudain tous pris à rêver !
" Aujourd’hui, Fleet Street est le plus grand espace
dédié au street art en Jamaique."
Photo tirée du livre.
Que reste-t-il, quatre ans après, de Paint Jamaica ?
L’idée était de créer un impact positif dans le quartier de Parade Gardens. Nous n’avions pas des budgets énormes, ce devait être un one shot. Quelques mois plus tard, on transformait les murs de l’école dans la même rue ! Les réactions des gens étaient géniales, magiques ! On avait passé beaucoup de temps avec les gens du coin avant le projet, ceci afin d’être sûrs qu’ils approuvent notre démarche. Cette rue, c’est leur espace. Le projet a attiré l’attention tout de suite. Aujourd’hui, avec plus d’une vingtaine de fresques, il s’agit du plus grand espace dédié au street art en Jamaique. Beaucoup de gens viennent à Fleet Street, désormais : des touristes, des locaux. Cela a changé la perception que les gens avaient des quartiers défavorisés.
Quels sont tes projets, aujourd’hui ?
Je reste très impliquée dans des projets grass roots : et je consacre de plus en plus de temps à mon premier amour, la cuisine ! C’est ce que j’aime plus que tout, et j’espère ouvrir un restaurant un jour ! Peut-être en Jamaïque, qui sait ? Mon parcours de végétalienne, ou « vegan »,a commencé ici, après tout.
TE
Retrouvez les oeuvres du 41 Fleet Street dans notre livre,
Jamaican Street Art (DREAD Editions)
(English version below)
Meet an extraordinary young woman, Marianna Farag. In 2014, she launched the Paint Jamaica initiative. It was supposed to give birth to a unique mural, on Fleet Street, Southside. Four years later, it has become the largest space dedicated to street art in Jamaica, and has changed the image of the inner city communities. Interview.
Marianna, you’re fluent in French. Where do you come fom?
I am French with Egyptian and Syrian origins, and I currently live in Kingston, Jamaica. I define myself as a “ world citizen”, since I’ve lived in various countries and travelled a lot.
How did you come to street art?
I’ve always loved street culture, which has the power to influence the trends or the music in any country. I’ve always been attentive to what is happening in the street, especially to street art. Not an artist myself, I nonetheless recognize the importance of street art, and the impact it can have on certains communities.
Why Jamaica?
Honestly, it was a pure coincidence. I was living in the US, and I was not feeling well up there. I wanted to travel but since I didn’t have many holidays, I couldn’t go too far. I picked up the Caribbean—as a less than 4 hour-flight destination—, closed my eyes and then pointed my finger. It ended up on Jamaica. I came seven times before I decided to settle here for good.
What’s the difference between “street art” as we can see it at Fleet Street and the more “traditional” one?
Jamaican street art is different from what you can see in Paris, or Berlin. You have a lot of murals here but most of them are hand made signals for restaurants, bars etc, (hand painted signage) or portraits of cultural icons like Garvey, Marley or people from a community who have found death. There’s no real “street art” culture in Jamaica (but a lot of that has changed since 2014. There seems to be greater interest in mural culture now. The artists that I’ve met told me why: first, Jamaicans have little consideration for street art on a whole; then, there’s a shortage of material such as painting, markers or spray paints; eventually are security and money problems. But it is changing as we talk.
Pictures taken from the book
Why Paint Jamaica? And how did people react?
I used to go to Parade Gardens, where Fleet Street is, during my first travels to Jamaica. Meanwhile, you had numerous projects around the world involving street art and social issues. Take JR’s work with Favela Painting (Haas & Hahn), Boa Mistura... I was already into modest grassroots social projects, and I was meeting a lot of creative people. In May 2014, I quitted my job in the US and came to Jamaica. I had a little money gathered from a crowd funding—we were supposed to paint one mural! But while looking for a wall in Parade Gardens, we came across this warehouse in Fleet Street, and we started to dream!
What is left, four years later, of Paint Jamaica?
The idea was to have a positive impact on the community. We never had a big bag of money, this was supposed to be a one shot. A few months later, we were painting on the walls of the nearby school! People’s reaction was magic. We talked a lot with them beforehand, to make sure they approved our project—this is their place. The project attracted a lot of attention at once. Today, it is the largest place dedicated to street art in Jamaica, and it has changed things, especially the perception that people have of the inner city communities.
What are you personal projects?
I’m still into “grassroots” projects, and I also dedicated a lot of my time to my first love, cooking! This is what I love above all. I hope I’ll open a restaurant one day—maybe in Jamaica, who knows? After all, that’s where my “vegan journey” started.
Find more about 41 Fleet Street in our book, Jamaican Street Art (DREAD Editions)