ABENG, la voix du Black Power en Jamaïque !
ABENG, du nom de la corne dont se servaient les esclaves en fuite (Maroons) pour signaler la présence de l'ennemi, est un journal avant-gardiste d'extrême gauche. Publié pendant quelques mois à la fin des années 60, il capture l'ère du temps en se faisant le héraut du Black Power sur l'île. Il propulse Rasta dans l'arène politique, faisant très rapidement le lien entre musique et contestation populaire. Prince Buster ou Clancy Eccles prennent des pubs dedans et quelques Rastas y écrivent des articles pour témoigner de l'importance prise par le reggae : jukebox, soirées arrêtées par la police (Babylone), vie quotidienne dans le ghetto, le sac du campement d'Emmanuel sur Spanish Town Road.... Abeng passe tout au crible ! Lorsque l'imprimerie du journal est victime d'un incendie criminel, la revue finit par s'éteindre après seulement quelques mois de parution en 1969. Plusieurs collaborateurs intègrent le parti politique du PNP (socialiste), d'autres fondent le parti Communiste jamaïcain et d'autres encore rejoignent les 12 Tribes of Israel. C'est sans doute par le biais d'Abeng que le candidat Michael "Joshua" Manley entre en contact avec son "conseiller en Rasta", le controversé Claudius Henry (voir Hommes illustres de Jamaïque) qui lui livre les codes rastas et lui suggère probablement l'idée de la "rod of correction". Henry était très proche de Walter Rodney, l'universitaire radical qui fut banni de l'île en 1968 et qui prêchait le Black Power depuis l'exil dans les pages d'Abeng !
Un journal crucial dans l'histoire du reggae, décrit en détails dans REGGAE ET POLITIQUE DANS LES 70s.
Illustration : tirée d'Abeng, un "Mr. Brown" (middle-class jamaïcaine) se bouche les oreilles en entendant le "cri d'Abeng" et s'inquiète : "Ces maudits subversifs ! Bientôt, ils auront convaincu que ce sont les Noirs qui contrôlent ce pays !"