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Les "chants de Josué" : Everything Crash.

Les « Joshua tunes » ou « chants de Josué » sont des morceaux reggae qui prennent fait et cause pour le candidat socialiste Michael « Joshua » Manley, élu Premier Ministre de la Jamaïque en 1972 à la tête du People’s National Party (PNP). Nous regroupons sous cette appellation les titres hautement politisés qui apparaissent dans l’ouvrage Reggae & politique dans les années 70, de T. Ehrengardt (DREAD Editions). Á tout bien tout honneur, nous commençons par un titre incontournable dans ce domaine, Everything Crash de The Ethiopians (JJ Records, 1968).

Bannie des ondes nationales par le gouvernement de l’époque, cette chanson devient le tube de l’hiver 1968 grâce aux nombreux jukebox disséminés à travers l’île dans des milliers de rum shops (ou petits bars). Les voix faussement caressantes des Ethiopians y susurrent la litanie du mécontentement social après 6 ans d’indépendance : Look deh now, voyez vous cela ! Tout part à vau-l’eau ! / Les pompiers sont en grève, tout comme les employés de la compagnie des eaux ; jusqu’aux policiers ! Ce qui s’annonce mal en matinée, tourne rarement bien en soirée (wha come bad ah morning can’t come good ah evening). Il faut dire que 1968 est une année charnière dans l’histoire de la Jamaïque. C’est à ce moment-là que le mouvement Black Power se cristallise à travers des émeutes étudiantes pour la réhabilitation du professeur Walter Rodney (récemment interdit de séjour par les autorités pour avoir tenu des propos séditieux), ainsi qu’à travers la naissance d’une nouvelle musique empreinte de contestation et de mystique rasta, le reggae !

En 1968, toute la Jamaïque descend dans la rue pour soutenir Walter Rodney mais aussi pour crier son ras-le-bol d’une société néo-colonialiste qui fait peser un carcan étouffant sur les esprits. Le politicien qui va se montrer le plus habile à surfer sur ce vent du changement s’appelle Michael « Joshua » Manley. Il est l’héritier de l’un des pionniers de la scène politique de son pays, Norman Washington Manley (fondateur du PNP). En 1971, tout le monde pense que sa candidature aux élections générales ne sera qu’une préparation pour celles de 1976 ; trop jeune, pas assez expérimenté, dit-on. Mais « Joshua » va littéralement vampiriser la scène médiatique et politique et écraser son adversaire du Jamaican Labour Party (JLP), un certain Hugh Shearer, que la rue identifie par le prisme des negro spirituals au « Pharaon » qui tenait les Juifs en esclavage dans la Bible.

Pas étonnant, dès lors, que Prince Buster adapte Everything Crash des Ethiopians en l’intitulant Pharaoh’s House Crash, la maison du Pharaon doit s’effondrer (. Un titre hautement politisé dont l’évocation faisait rire le regretté Leonard Dillon, lead vocal des Ethiopians : « Bien sûr que j’ai entendu la version de Buster à l’époque. Et je l’ai adorée parce que, c’était vrai, il fallait qu’elle s’effondre (rires). »

Everything Crash est devenue un véritable classique de la musique jamaïcaine. Leonard Dillon en a en refait une version pour Studio One dans les années 70.

Par la suite, Leonard Dillon enregistre plusieurs « chants de Josué » dont Socialism Train, en partenariat avec l’une figures musicales les plus politisées des années 70.... Mais ça, c’est une autre histoire.

T. Ehrengardt

- Reggae & politique dans les années 70 (DREAD Editions), enfin réédité.

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